Etude scientifique sur les acouphènes, évaluation de la prise en charge sophrologique des acouphènes subjectifs

Le contexte de cette étude scientifique sophrologie et acouphènes

La prise en charge de patients souffrant d’acouphènes subjectifs avec parfois des nombreuses répercussions sur leur vie quotidienne et leur comportement, peut nécessiter l’intervention de professionnels aux compétences complémentaires, parmi lesquels des médecins ORL, des audio-prothésistes, des psychologues comportementalistes et des sophrologues. L’AFREPA (Association Francophone des Equipes Pluridisciplinaires en Acouphénologie) regroupe des équipes sur toute la France travaillant avec cet esprit pluridisciplinaire.

Ce travail collaboratif avec des médecins ORL et le contact permanent en cabinet avec des patients souffrant d’acouphènes m’a permis de développer un protocole de sophrologie spécifiquement adapté à la prise en charge de ces patients. Ce protocole est maintenant enseigné et appliqué en cabinet par les sophrologues formés à cette spécialisation.

L’étude

L’objectif de cette étude était de faire une première évaluation de la prise en charge sophrologique des acouphènes subjectifs en utilisant ce protocole. Après une longue phase de définition des objectifs et de mise en place de la méthodologie et des moyens nécessaires, 17 sophrologues du Pôle Sophrologie et Acouphènes ont accepté de participer à l’étude en 2016. La phase terrain s’est déroulée sur une période de 15 mois.
Les résultats de cette étude, signée par P Grevin, Dr M Ohresser, Dr M Kossowski, C Duval et Dr A Londero, viennent d’être publiés le 30 avril 2020 (en Anglais et en Français) dans une revue Européenne à comité de lecture :

« First Assessment of Sophrology for the Treatment of Subjective Tinnitus »
 European Annals of Otorhinolaryngology Head Neck Disease 2020, Apr 30 ;S1879-7296(20)30083-1

« Première Evaluation de la Prise en Charge Sophrologique des Acouphènes Subjectifs » 
 Annales Françaises d’Oto-Rhino-Laryngologie et de Pathologie Cervico-Faciale.

216 personnes ont démarré le protocole. 140 personnes ont terminé le cycle complet. L’étude porte donc sur une population de 140 patients ayant bénéficié d’un cycle complet de 6-8 séances de sophrologie sur une période de 2-4 mois.
Lors du premier rendez-vous, le sophrologue interroge le patient sur son parcours médical, les traitements mis en place, les difficultés rencontrées et la formulation des attentes.
Lors de cette première séance, le patient remplit également un questionnaire appelé THI (Tinnitus Handicap Inventory), largement utilisé sur le plan international (1) et qui permet de mesurer le retentissement et le handicap lié aux acouphènes sur sa vie quotidienne.

Ce questionnaire comporte 25 questions ; les réponses permettent de distinguer 5 niveaux de handicap en lien avec l’acouphène :

  • handicap léger (l’acouphène est uniquement perceptible dans un environnement calme),
  • handicap modéré (l’acouphène est facilement couvert par des sons provenant de l’environnement et facilement oublié lors d’activités),
  • handicap moyen (l’acouphène est perçu en présence d’un bruit de fond ; les activités quotidiennes peuvent malgré tout être effectuées)
  • handicap lourd (l’acouphène est presque toujours perceptible, il conduit au dérèglement des structures du sommeil et est susceptible de porter atteinte aux activités quotidiennes)
  • handicap invalidant (l’acouphène est constamment perceptible, les structures du sommeil sont déréglées et le sujet rencontre des difficultés pour toute activité).

Ce questionnaire explore également 3 sous-échelles du handicap lié à l’acouphène : 

  • sous-échelle fonctionnelle (stress, perte de concentration, sommeil, interférence avec le travail, la vie de famille, les activités sociales)
  • sous-échelle émotionnelle (anxiété, irritabilité, frustration, dépression et insécurité)
  • sous-échelle catastrophique (croyances négatives, perte de contrôle, désespoir, impossibilité d’échapper au symptôme) (2)

Ce questionnaire sera de nouveau rempli par le patient à l’issue du protocole de façon à évaluer l’amélioration de la situation par rapport à celle du début de la prise en charge.

Le protocole comporte 6-8 séances au rythme d’1 séance par semaine pour les 3 premières semaines, puis espacées de 2 semaines pour les autres séances. Ce protocole décrit dans l’étude et spécifiquement développé pour la prise en charge des acouphènes, comporte plusieurs étapes permettant la mise en place progressive du processus dit « d’habituation », c’est-à-dire à la mise à distance de l’acouphène. Le protocole s’appuie sur des axes de travail multidimensionnels, souvent impliqués dans la perception d’acouphènes gênant voire invalidant : les dimensions sensorielle, cognitive, émotionnelle et comportementale.

Les principaux résultats de cette étude sur la prise en charge des acouphènes

1/ Une prise en charge brève

Les résultats de cette étude multicentrique montrent que la prise en charge avec ce protocole spécifiquement adapté aux acouphènes peut permettre d’obtenir en 2-4 mois et 6-8 séances d’1 heure une diminution du handicap et une amélioration de la qualité de la vie chez des sujets souffrant d’acouphènes subjectifs.

2/ Une diminution rapide du handicap

La diminution moyenne du score évalué par le questionnaire THI est de 51,9% par rapport au score initial. La baisse de 51.9 % du THI n’est pas individuelle, c’est-à-dire que tous les patients n’ont pas eu une baisse uniforme. Se reporter ci-dessous au graphique « Evolution individuelle des scores pour les 140 patients ».

 Le graphique ci-dessous montre la répartition des niveaux de handicap en début de protocole, puis en fin de protocole. Nous observons qu’à l’issue du protocole, il n’y a plus de patients dans les catégories de handicap Lourd ou handicap Invalidant.

Comme le montre le graphique ci-dessous, sur les 140 patients souffrant d’acouphènes et suivis, 4 d’entre eux n’ont pas vu d’amélioration de leur état à la fin de la prise en charge, pour les autres on constate une diminution du handicap, en particulier ceux ayant des scores THI élevés.

Si l’on observe l’évolution des patients initialement avec un handicap Invalidant, soit THI supérieur à 78, ils se retrouvent à 45% d’entre eux avec un score de handicap Moyen et à 55% d’entre eux avec un score de handicap Modéré.

3/ Une action équivalente sur les composantes fonctionnelles, émotionnelles et catastrophiques

Le questionnaire THI (1) comporte 3 catégories de questions destinées à analyser les composantes fonctionnelles, émotionnelles et catastrophiques. L’effet bénéfique de ce protocole s’exerce de manière équivalente sur l’ensemble de ces 3 composantes, baisse de plus de 50 % des valeurs des sous-échelles. 

4/ Une amélioration de la qualité de vie

Dans cette étude, il est montré que le protocole développé spécifiquement pour la prise en charge des acouphènes subjectifs, peut permettre d’obtenir une atténuation du caractère intrusif des acouphènes, de conduire à la mise en place progressive du processus dit « d’habituation », c’est-à-dire la mise à distance de l’acouphène et au fur et à mesure du parcours d’accompagnement, amener à une gestion autonome des symptômes.

Cette amélioration de la qualité de vie est également exprimée dans les verbatim des patients recueillis à la fin du protocole. L’analyse du score final du questionnaire THI ainsi que le recueil des ressentis exprimés en fin de protocole se rejoignent sur plusieurs items : une mise à distance de l’acouphène, une gestion autonome des crises, une meilleure concentration, qualité de sommeil et une vie sociale et professionnelle normales.

5/ Une amélioration quels que soient les paramètres auditifs

Pour 9 sur 10 d’entre eux, les patients de cette étude avaient déjà consulté un ORL ou un médecin généraliste avant la prise en charge sophrologique et en ce qui concerne les autres, une consultation a été sollicitée.
Les résultats de l’étude montrent que l’amélioration mesurée est obtenue indépendamment du caractère ancien ou récent des acouphènes, de leur mode de survenue, soudain ou progressif, ou de leur origine (traumatisme sonore, choc émotionnel, autres causes…).
40 % des patients ont déclaré avoir une perte d’audition et 20% étaient appareillés. 

En conclusion, les résultats de cette étude ouverte montrent que la prise en charge avec ce protocole spécifiquement adapté aux acouphènes peut permettre d’obtenir de façon rapide une diminution significative du handicap et une amélioration de la qualité de la vie chez des sujets souffrant d’acouphènes subjectifs. Des études complémentaires avec groupe contrôle sont nécessaires pour affirmer l’efficacité en comparaison à une liste d’attente ou à d’autres prises en charge validées comme les thérapies cognitives et comportementales.

Références :

(1) Ghulyan-Bédikian V, Paolino M, Giorgetti-D’Esclercs F, Paolino F. [Psychometricproperties of a French adaptation of the Tinnitus Handicap Inventory]. Encephale. 2010 Oct ;36(5):390–6.
(2) In : M. Ohresser, (Ed), Les acouphènes : diagnostic, prise en charge et thérapeutique, Chap. 6, 29–31, 2017, Elsevier Masson.

Le Pôle Sophrologie Acouphènes®, créé en 2010 par Patricia Grévin, est un réseau de sophrologues ayant suivi une même formation à la prise en charge des acouphènes délivrée par un intervenant ORL et un sophrologue formateur, membres d’une équipe pluridisciplinaire AFREPA (Association francophone des équipes pluridisciplinaires en acouphénologie). C’est dans ce cadre-là que nous avons pu nous lancer sur cette étude multicentrique. https://www.pole-sophrologie-acouphenes.fr/ou-trouver-un-sophrologue

Noms des 17 sophrologues ayant suivi les patients : Claire Duval (Paris), Corinne Bontemps (Genève), Dominique Bolusset (Nancy), Véronique Daniel (Aramon), Blandine Dubois (Pontoise), Virginie Dalmau (Salon de Provence), Christine Chauvin (Montigny le Bretonneux), Mathilde Hauss (Paris), Geneviève Hénaut (Caen), Véronique Galpin (Vaires-sur-Marne), Patricia Grévin (Paris et Cabourg), Christophe Jouffre (Mulhouse), Caroline Manifacier (Lieusaint), Evelyne Renardier (Paris), Marie-Danielle Vérin (St Hilaire de Riez), Anke Spath (Paris), Céline Zagury (Boulogne Billancourt).

Le résumé de l’article sur European Annals of Otorhinolaryngology, Head and Neck Diseases

Patricia Grévin directrice de l’étude
Contact : patricia.grevin[at]yahoo.fr

WARNING en coordination avec les ORL co-auteurs de l’étude

Ajout du 13 juillet 2020

Suite à la publication de l’article ici présenté, nous constatons et déplorons la diffusion sur plusieurs sites internet et sur les réseaux sociaux d’un nombre important de mentions et commentaires erronés le concernant.

Il nous a donc semblé utile, voire indispensable, de préciser plusieurs points qui permettent de rendre compte, en termes objectifs et réalistes, des conclusions qui peuvent être raisonnablement tirées des résultats de cette étude :

1. Les objectifs de cette première évaluation, sans comparaison à un groupe contrôle, était de déterminer si le protocole de sophrologie adapté spécifiquement à la prise en charge des acouphènes, développé et enseigné par Patricia Grévin, et appliqué par les 17 sophrologues ayant participé à l’étude, permet ou non d’atténuer le handicap associé à la perception acouphénique à travers un questionnaire THI (Tinnitus Handicap Inventory) rempli par le patient en début et en fin de protocole. En tirer la conclusion que tous les protocoles sophrologiques et même la sophrologie en général est un traitement des acouphènes est un abus de langage non supporté par les données présentées.

2. L’étude n’a évalué que le niveau de gêne et de handicap lié à la présence des acouphènes tels qu’estimé par les sous-échelles du questionnaire THI (composantes fonctionnelles, émotionnelles et catastrophiques du handicap acouphénique). Les éventuels états d’anxiété et de dépression associés n’ont pas été spécifiquement étudiés. Dire ou écrire que ce protocole traite l’anxiété et la dépression associées à la perception d’un acouphène constitue un abus de langage non supporté par les données présentées.

3. Il est également utile de préciser que cette étude ne concerne pas toute la population de patients acouphéniques. Seule une population volontaire se présentant dans le cabinet du sophrologue a été analysée. On notera d’ailleurs, comme cela est écrit dans l’article, qu’un tiers environ des sujets ne sont pas allés au terme de la prise en charge. Les résultats présentés ne portent que sur la population qui a suivi le protocole en entier. En déduire que n’importe quel protocole de sophrologie, ou la sophrologie en général, peut ou doit être proposée à tout patient se plaignant d’acouphène et que presque tous les patients sont améliorés constituent des abus de langage non supportés par les données présentées.

4. Enfin nous souhaitons préciser que la méthode présentée ne constitue pas, en soi, « un traitement des acouphènes », ce que nous avons lu plusieurs fois dans certains commentaires ou articles. Mais que cette prise en charge a été réalisée dans le cadre d’un parcours de soin multidisciplinaire de la personne souffrant d’acouphènes. 90 % de la population avait consulté au préalable un médecin seul habilité à porter un diagnostic causal et à guider le ou la patient (e) dans la prise en charge thérapeutique.

En tant que Directrice de l’étude, je souhaite préciser que ce protocole spécifique fait l’objet d’un long travail de recherche qui a été évalué et publié dans une revue à comité de lecture. En connaitre tous les détails, nécessite la lecture attentive des objectifs, de la méthode, des résultats, de la discussion et des conclusions de l’article. Le chapitre « Discussion » fait ainsi tout particulièrement état de l’intérêt potentiel mais aussi des limites de l’évaluation faite. Je vous encourage à commander l’intégralité de l’article sur ce lien.

Cette première évaluation nous a apporté de riches enseignements. Néanmoins comme cela est clairement indiqué dans la conclusion de cet article, d’autres études complémentaires de plus grande ampleur et à la méthodologie rigoureuse seraient nécessaires pour comparer le protocole proposé à un groupe contrôle ou à des prises en charge validées comme les thérapies cognitives et comportementales.

C’est pourquoi affirmer, à ce jour, que la sophrologie est une prise en charge « validée » du patient acouphénique est un abus de langage non conforme aux données de la science.