Les acouphènes nouveau mal du siècle

Extrait de l’émission d’Europe 1 dimanche 2 mars 2014 de Patrick Roger et Sonia Mabrouk, invité Docteur Martine Ohresser, médecin ORL.

Patrick Roger : Les acouphènes, peut être le nouveau mal du siècle avec les problèmes d’audition. Une grande enquête va être dévoilée cette semaine autour des solutions pour résoudre les acouphènes et l’hyperacousie qui touchent des gens trop sensibles aux petits bruits qui sont normalement supportés. On estime qu’entre 6 et 8 millions de personnes souffrent d’acouphènes parmi la population française. Alors quelles conséquences sur leur vie et donc comment s’en débarrasser ? C’est ce que nous allons voir avec notre invité.

Témoignage de personnes qui souffrent d’acouphènes.

« Dans l’oreille gauche c’est un sifflement permanent. Ca fait un bruit comme « ssssss… » Le gênant c’est que, c’est la fréquence de la voix humaine, il y a des mots qui m’échappent, notamment tout ce qui est consonnes sifflantes. Et c’est très handicapant pour suivre tout ce qui est conversation, mais aussi pour regarder et écouter la télévision, la radio. Vivre ».

« Moi je l’ai très mal vécu au début. On devient fou, on a l’impression que l’on a quelque chose, on veut l’enlever. On doit fuir les concerts, on doit fuir les boîtes de nuit, on doit fuir une brasserie. Quelqu’un qui tousse, quelqu’un qui rit fort peut être gênant. Ca ne fait pas mal, ce n’est pas une douleur, mais c’est une gêne, donc un handicap ».

P.R. : Voila des témoignages de personnes qui souffrent d’acouphènes.

Bonsoir docteur Martine Ohresser, vous êtes ORL. Vous êtes membre de l’association JNA, la Journée Nationale de l’Audition. Cette journée qui aura lieu le 13 mars et avant ça une enquête publiée cette semaine sur les solutions.
D’abord quel est l’origine des acouphènes ?

Martine Ohresser : Alors dans 90 pour cent des cas, c’est associé à une baisse d’audition. La première cause d’acouphènes c’est le traumatisme sonore. On est une civilisation très bruyante, dans les ateliers de l’Industrie mais aussi dans les loisirs : il y a la chasse, la musique amplifiée et tout cela est très nocif pour l’oreille.

P.R. : Et ça concerne à la fois les jeunes et les populations plus âgées ?

M.O. : Plus on avance dans l’âge, plus on a de risques d’être acouphèniques.

Mais avec des jeunes qui sont touchés de plus en plus tôt parce qu’ils écoutent beaucoup, les baladeurs autrefois. Alors est-ce que tout le monde a des acouphènes mais ne les ressent pas ?

Il y a deux sortes de patients, il y a ceux qui ont effectivement un acouphène mais qui ne sont pas du tout gênés et il y a ceux qui peuvent très gênés et peuvent ressentir une véritable détresse. Qu’est ce qui fait la différence entre ces deux populations ? c’est la façon dont le cerveau va traiter cette sonorité que lui envoie l’oreille. Il peut très bien la négliger et on n’est pas gêné ou au contraire se fixer dessus.

P.R. : Ces gènes et ces troubles ça se manifestent comment ? Ces des bruits, mais après, ça fatigue, ça use.

M.O. : Bien sûr ça augmente la fatigue. C’est un symptôme chronique, donc auquel on ne peut pas échapper, donc ça prend toujours une dimension plus importante. C’est comme la douleur, on supporte une douleur vive si on sait qu’elle est brève, à partir du moment où elle devient chronique c’est très envahissant.

P.R. : On ne l’a pas en permanence ?

M.O. : Oui, on l’a en permanence. On la ressent plus ou moins en fonction de l’univers sonore, c’est pour ça qu’on pousse le patient à mettre un bruit de fond qui masque son acouphène, mais il est là en permanence, on ne peut pas y échapper.

P.R. : Alors comment s’en sortir, est ce que l’on peut soigner ses acouphènes et comment ?

M.O. : Oui, alors on a fait beaucoup de progrès, même si ça reste encore une pathologie encore compliquée à maîtriser. Mais à partir du moment où on a compris le rôle du cerveau, on a mieux compris tout l’aspect émotionnel de l’acouphène et on pu proposer des stratégies diversifiées aux patients. On sait maintenant que la prise en charge optimale du patient acouphènique se fait au sein d’équipes pluridisciplinaires. Une équipe pluridisciplinaire est généralement constituée autour de l’ORL qui la coordonne, et il y a 3 groupes de spécialité qui font partie de toute les équipes : l’audioprothésiste, parce qu’il nous aide de plus en plus pour proposer l’appareillage auditif avec des effets de masque de l’acouphène. Il y a ensuite les psychologues, qui vont nous proposer non pas tant une psychologie de fond mais des psychothérapies qui sont centrées sur le symptôme, c’est la sophrologie, c’est la thérapie cognitive et comportementale.

P.R. : Ca semble assez compliqué parce qu’il y a plusieurs spécialistes qui interviennent. Est-ce que c’est long ensuite pour s’en débarrasser ?

M.O. : Il faut beaucoup de patience. Ça demande des mois, mais on arrive à une véritable guérison qui n’est peut être pas celle que le patient vient chercher au début parce que on ne va pas pouvoir l’amener au silence complet mais on va l’emmener dans une situation où justement le cerveau ne s’occupera plus de l’acouphène et il sera dans un état que l’on appelle l’habituation. C’est-à-dire, il sera capable de dire si je vais le chercher, j’ai bien mon acouphène, mais il ne sera plus intrusif.

P.R. : D’une façon générale, on souffre de plus en plus dans notre société de trouble de l’audition.

M.O. : D’abord on vit plus vieux. Il y a la presbyacousie, la baisse d’audition due à l’âge qui apparait et qui va durer longtemps. On en souffre beaucoup parce que l’oreille c’est la communication et on sait que garder une bonne audition, c’est un facteur de bon vieillissement. Et on en souffre de plus en plus parce qu’on est dans une civilisation bruyante. On a beaucoup développé de bouchons protecteurs pour les musiciens et pour leurs auditeurs il y a des bouchons spéciaux.

P.R. : Merci docteur Martine Ohresser, membre de l’association JNA Journée Nationale de l’Audition qui aura lieu le 13 mars.